mercredi 1 août 2007

Table ronde n°3 : « Enfants, ados : une vie en réseau »


Participants :

- Nicolas Gaume, Directeur applications & jeux mobiles de Cellfish

- Aton Soumache, Producteur, PDG de Method Films et Onyx Films

- Mickaël Stora, Psychologue clinicien et psychanalyste

Modératrice : Anne Gintzburger



- A. Gintzburger : Bonjour à tous, bonjour à ceux qui nous rejoignent cet après-midi pour deux nouvelles tables rondes. Ce matin, nous avons parlé de la place qu'occupent les écrans dans les univers familiaux auprès des enfants. Cet après-midi nous allons parler chat, blogs, jeux en réseau. Ce sont d'abord les enfants qui vont nous dire ce qu'ils en pensent, et de quoi sont faits leurs jeux sur leurs écrans. Nous allons regarder un petit clip, et nous nous retrouvons juste après.

Diffusion d’un clip

- Evidemment, il y a des moments très drôles comme en ce moment : ils sont ensemble, ils s'éclatent. Il ne faut pas être toujours dans la négative du jeu vidéo, ce sont des moments conviviaux. Il y a les moments où il est tout seul, mais il y a aussi les moments où il joue avec ses copains. Evidemment, ce n'est plus comme avant, avec les jeux de cartes, mais c'est aussi des moments de rigolade, d'échanges extrêmement forts entre eux.

- Ben oui, entre nous, on ne fait rien qu'en parler, des jeux vidéo. Les nouveaux jeux qui sont sortis...

- Mais non, regarde : là, on est à la fin...

- J'ai un copain, il joue à Dofus. Mais avant, je ne le savais pas. Il est dans mon école, et en fait, j'ai appris qu'il jouait à Dofus, et on a joué ensemble.

- C'est grâce à ça qu'on ouvre le premier sujet. On entend quelqu'un en parler, et on arrive, et on parle de ça, mais après on parle d'autre chose.

- Ils savent éteindre un écran. Ils n'ont aucun souci à l'école. Tant qu'ils respectent tout ça, il n'y a pas de souci. Leur vie sociale, elle existe. Ils ont des amis.

- Il n'y avait que ça, tout le temps, à longueur de journée... C'est vraiment la compétition avec le monde, puisque tout le monde peut jouer. Pour le futur, j'espère que ça ne se développera pas plus que ça. Si ça se développe trop, après, on aura l'impression d'être dans un monde virtuel. On fera tout sur Internet.

- Mais ça dépend, il y en a qui ne bougent pas de chez eux, qui ne sortent pas... - Oui, ça, je ne sais pas pourquoi, mais ça me stresse.

- Mais ne t'inquiète pas, nous, on ne va pas faire ça...


- A. Gintzburger : Bienvenue à nos trois invités. Nicolas Gaume, nous allons commencer avec vous. Vous êtes tous les trois des passionnés de jeux. Vous avez publié l'année dernière un récit autobiographique qui s'appelle « Citizen Game ». Vous êtes l'homme idéal pour commencer à nous parler des jeux. Vous dirigez les applications et jeux mobiles Cellfish au sein du groupe Lagardère. Vous avez créé la société Kalisto en 1990. C'est une société de création de jeux vidéo. Parlez-nous de votre passion du jeu et de ce que vous faites au sein de Cellfish.

- N. Gaume : Bonjour, effectivement, j'ai l'honneur de démarrer cette table ronde. Je suis joueur moi-même, j'ai découvert les jeux assez jeune, vers 5-6 ans. J'ai créé mes propres jeux vers 11 ans. Et je crée ensuite la société de production de jeux vidéo. Aujourd'hui je suis à la fois ancien joueur, producteur, et père d’enfants qui jouent aux jeux vidéo.

- A. Gintzburger : En quelques mots quel est le marché du jeu 2007, le marché du jeu vidéo ?

- N. Gaume : Depuis une dizaine d'années, le marché du jeu croît de manière constante. Pas seulement parce qu’il y a de nouveaux joueurs, mais parce que les joueurs les plus anciens continuent à jouer. C'est un loisir assez segmentant. Il y a ceux qui jouent et ceux qui ne jouent pas, c’est sans doute lié à la grammaire du jeu vidéo.

- A. Gintzburger : On peut devenir joueur…

- N. Gaume : C'est une expérience qu'on appréhende plus facilement enfant ou ado plutôt qu’adulte. Mais on peut tout à fait devenir joueur, il y a des jeux attractifs pour des gens plus âgés. Je vais vous demander de passer quelques visuels…

« Nous sommes les primitifs d'une culture inconnue », c’est une phrase de Robert Desnos. En tant que créateur de jeux vidéo moi-même, il est une chose qui est certaine, c'est que nous connaissons mal la nature profonde du jeu vidéo. On sait assez mal quels sont les leviers de l’expérience vidéo ludique. Cela ne fait que trois ans et demi, quatre ans que le monde du jeu vidéo s'interroge sur les mécaniques du jeu vidéo. Je ne pense pas que cela soit très différent de ce que le cinéma a vécu, et on a fait pendant 20 ans, 30 ans, des films, au début du siècle, avant de mettre des mots sur la grammaire du film, la mise en scène dans le cinéma...

C'est un marché qui n’est pas ancien : le jeu vidéo a trente ans, c'est tout à fait jeune. Il a fait ses débuts dans l'informatique pure dans les années 50 et 60. Il y avait des expériences en marge des recherches informatiques. Le jeu vidéo a jalonné la réflexion sur les évolutions technologiques. Les grandes ruptures technologiques, elles se sont faites en partie à cause des jeux vidéo. Apple est né grâce à deux ingénieurs, Steve Jobs et Wozniak, ils ont créé un jeu qui s'appelle « Breakout », le premier casse brique d’Atari : l'argent de cette expérience a été réinvesti de monter Apple. AOL, le service bien connu, est né comme un service de jeu massivement utilisateurs au début. Il y a aussi Flickr, site de partage de photos bien connu qui était d'abord un site de jeux vidéo. Le jeu vidéo catalyse beaucoup de recherches.

C'est dans les années 70 qu'un homme qui s'appelle Nolan Bushnell a popularisé les jeux vidéo dans le monde des salles d'arcades : ce sont ces salles de jeux où on allait dépenser les quelques francs que nous avions. C'est lui qui a lancé la première console de jeux vidéo, la console Atari, qui a eu un succès retentissant au début des années 80. Il y a eu une explosion de la micro-informatique à l'époque. Cela a amené beaucoup de jeunes dans les années soixante-dix à se plonger dans l'informatique. Les images étaient rudimentaires, jusqu'à l'arrivée des machines de 94 et 95... Le marché vidéo est rentré alors dans l'âge grand public avec la Playstation de Sony et l'ordinateur CD-ROM Pentium qui a amené une qualité d'image relativement concurrentielle avec le dessin animé ou la télévision. Aujourd'hui nous avons des images d'un ultra réalisme. J'ai préparé des séquences vidéo sur le thème du jeu de sport, plus particulièrement le basket. Nous allons voir l'évolution de ces images ... Voilà le tout début du jeu de basket sur la console Atari. C'est un graphisme très rudimentaire. Avec des petits carrés... A l'époque les jeux de tennis c'était juste un rectangle et un petit carré qui circulait dans l'écran. A ce stade, peu de gens s'inquiétaient dans l'audiovisuel de l'impact de ce média. Pourtant les mécaniques de jeux sont déjà là.

Ensuite, dans la deuxième séquence nous sommes dans le milieu des années 90. Nous sommes sur la console Super Nintendo, avec toujours un jeu de basket crée par la société Midway. Déjà, le graphisme est plus coloré, un peu plus d'images... C'est plus sophistiqué. Mais le rythme reste assez saccadé. Ce sont des images en deux dimensions. Même si on gagne un peu de profondeur ... L'image d'après, c'est celle où nous passons à trois dimensions. C'est ce même jeu dans sa version Playstation. Là, nous sommes en 1995...

Enfin la version pour la Playstation 3, la nouvelle console de Sony. Vous voyez les images que nous avons aujourd'hui. Non seulement l'image est en trois dimensions mais avec un niveau de détail de définition très poussé. Le joueur contrôle les joueurs à tour de rôle. Il y a beaucoup d'effets de détail, nous voyons presque la sueur perler sur le front des joueurs. Entre le début et ces images-là, il y a une évolution qui montre la puissance de la qualité d'image. Nécessairement, ce qui fait la qualité d'un jeu, j'avais deux éléments de réflexion à vous porter... Regardons sur les visuels.


Le jeu vidéo, qu'est-ce que c'est ? Ce sont des images, mais c'est bien différent d’un média d'image. La création et l'expérience de jeu sont très différentes de celles du cinéma et du média narratif. Certes on touche le même public, on sait que le jeu vidéo est très populaire sur les 5-35 ans. Le joueur moyen a 29-30 ans. 55-60% des joueurs est masculin. Un jeu comme « The Sims » est joué à 90% par des femmes. Il y a des jeux de stratégie que commercialise Microsoft, et l'âge moyen des joueurs est de 38-39 ans. L'offre est assez diversifiée par rapport à celle que l'on peut connaître dans l'audiovisuel. Qu'est-ce qui fait que la génération numérique joue beaucoup? Mickaël en parlera avec plus de savoir que moi. Il y a un rapport à l'information différent. L'information est immédiate, nous sommes plus sélectifs. Le jeu vidéo donne ce choix d’expérience. Nous sommes en contrôle, nous ne sommes pas assis à recevoir. L'expérience et le temps appartiennent aux joueurs. J'entends Mickaël dire que c'est partiellement vrai. Techniquement, c'est bien le joueur qui définit le temps. Nous, créateurs de jeux, nous serons comme n'importe quel créateur de cinéma ou de séries télé. Nous voulons faire en sorte que l'expérience dure longtemps. Nous allons chercher à ce que le joueur reste impliqué.

Pour moi-même, comme père et comme ancien joueur, je me pose des questions sur ce sujet. Il faut trouver le bon équilibre entre ce qui fait le succès commercial d'un jeu et notre responsabilité en tant que créateur. Le rapport aux autres est aussi important. Particulièrement pour les jeux sociaux... La façon dont les jeunes se construisent, plus tribale, plus transversale, fait que le jeu vidéo peut être un vecteur d'expérience plus adapté. Une chose m'apparaît essentielle à dire, c'est qu'au fond, on a une génération à laquelle on amène par la force des choses à constater que l'important est moins d’avoir la réponse, que de savoir se poser la bonne question. Ce qui est important dans le jeu vidéo, c'est qu'il y a une multiplicité de chemins dans une expérience de jeu. Je pense que le joueur apprend à trouver des solutions, à agencer des éléments de réponses. C'est la quête qui importe. Pour moi qui ai grandi avec l'expérience du jeu vidéo, cela m'amène à dire que face à un problème, il y a plusieurs solutions. Il faut arriver à apprécier les différents éléments pour trouver la solution.

- A. Gintzburger : De ce point de vue, y a-t-il des incidences pédagogiques ? Est-ce que ce sont des choses auxquelles vous pensez quand vous concevez des jeux?

- N. Gaume : Je crois que le jeu vidéo est un système d'apprentissage en tant que tel. Regardons quelques visuels... Je pense que la confusion que nous pouvons avoir sur le jeu vidéo est qu'on le compare à un média d'image. Au fond, quand on regarde un dessin animé ou quelqu'un jouer, on peut penser qu’il y a beaucoup de points communs. Notamment quand on aborde la question de la violence. Mais jouer à un jeu vidéo et regarder un dessin animé sont des expériences radicalement différentes. Ce qui est intéressant, c'est de savoir quelle est cette dynamique du jeu vidéo. C'est une expérience existentielle, et le maître mot c’est virtuosité. Existentielle par opposition à essentielle. Dans un jeu, nous allons proposer à un joueur d'incarner une projection de lui qu'il aura créée, ou qu'on lui propose et sur laquelle il se construit. Dans un film, on lui demande de s'abandonner au contraire au profit d'un héros. Ce qui fait l'intérêt d'un film ou d'une série, ce sont les antagonismes entre les différents protagonistes. Je m'identifie à un personnage ou à des problématiques, et je vois comment dans la série ou le film le problème sera résolu. Cela me donne à moi des éléments de réponse sur le sens que tout cela a. Dans le fond, dans n'importe lequel média loisirs, je tente de répondre à ce « qu'est-ce que je fais là, à quoi ça sert »? Le jeu vidéo va nous donner l'occasion de l’aborder en expérimentant pour de vrai. Le jeu offre la virtuosité. Je vais avoir des sensations en quelques minutes qui équivaudront à celles obtenues pour la même expérience dans la vraie vie, après des années de travail et avec du talent. Par exemple, je peux vous donner la sensation de ski alors que vous ne savez pas tenir sur des skis ou un surf. Vous allez pouvoir avoir l’exaltation et la sensation d’un skieur. De la même manière, dans un jeu de création de villes comme « Sim City », l’expérience de gestion qui se rapproche de ce qu'on pourra connaître lorsqu'on fait de la gestion d’une ville ou de la gestion tout court. Cette virtuosité immédiate rend les choses difficiles pour construire, mais c'est aussi ce qui fait la puissance de ce média, parce qu’effectivement les sensations que l’on peut apporter sont très puissantes. Je le dis de manière très ouverte, c'est quelque chose qu'on sait de mieux en mieux construire depuis 30 ans, mais dont on évalue encore avec beaucoup de prudence les conséquences et l'impact sur les plus jeunes en particulier. Merci beaucoup.

- A. Gintzburger : Nous allons poursuivre avec vous, Aton Soumache, vous êtes producteur et PDG de Method Films et Onyx Films. Vous produisez des longs métrages et des courts-métrages de fiction et d'animation, nous évoquerons aussi votre série et votre nouveau bébé, « Wakfu »...

- A. Soumache : Merci beaucoup. Ce qui est intéressant dans ce qu'a dit Nicolas c'est que je ne suis pas toujours d'accord.... Sur la radicalité des médias, je pense l'inverse de Nicolas. Après, c'est une expérience... Il y a plein de sujets que nous pouvons aborder aujourd'hui.

Il s'agit des enfants et ados : une vie en réseau. Nous n'avons pas parlé de la question online. Je suis producteur de la linéarité et cela fait maintenant dix ans que je produis dans le linéaire. Je produis des longs-métrages d'animations ou live, et cela est vrai que depuis deux ans, et je suis joueur, je n'avais jamais fait le pas entre raconter des histoires et le jeu vidéo. Même si pour moi, en tant qu’expérience, je jouais à la fois aux jeux et je crois avoir éprouvé des plaisirs communs à la découverte d’univers aussi bien à travers l’interactivité que dans l’expérience linéaire. Il y a deux ans, je me suis dit : avec tout ce qui se passe dans la dimension du réseau et dans le online sur Internet, et dans le jeu vidéo qu’il soit online ou offline, il y a des artistes incroyables qui développent le monde de l'imaginaire et de l'interactivité alors que nous, anciens producteurs des médias plus traditionnels, on se pose les mêmes questions sur le linéaire. Mais on a quand même fait le tour de la question. Il y a bien sûr de nouveaux univers et de nouveaux films à découvrir, mais il y a des talents incroyables qui sont là sans qu'il y ait d’interaction et de point contact.

Il y a deux ans, j'ai créé une société de production interactive pour essayer d'en cerner les contours et de comparer mon métier à celui de l'interactivité. C'est quelque chose de totalement organique, et en création. Nous sortons en premier nos premiers jeux vidéo maintenant avec un parti pris qui est de faire des jeux interactifs qui font la passerelle entre le monde du cinéma et de la télé. Nous essayons de les développer sur tous les supports. Nous avons plusieurs projets aujourd'hui comme « Skyland », qui est une série qui marche assez bien à travers le monde. C'est un long-métrage qui rentre en production, et un jeu online et offline que nous développons en interne pour PS3 et XBOX 360 avec des artistes communs. Nous avons un univers fort, comment tous ces artistes peuvent travailler ensemble aussi bien à la réflexion interactive que linéaire ?

Au fur et à mesure, depuis deux ans, la télé a beaucoup évolué: oui, il faut faire des séries à 360°. Il faut intégrer cette nouvelle dimension du online. C'est simple à dire mais à l'arrivée qu'est-ce que cela veut dire ? Qu'est-ce qu'une série dite 2.0 ou un film 2.0 ? Nous avons réfléchi à tout cela. Je n'ai pas trouvé de solution, ce n'est pas évident, mais j'ai fait une rencontre assez intéressante qui ouvre la réflexion. Nous développons la première série interactive que nous faisons avec France 3, qui s'appelle « Wakfu ». Je n'en suis pas à l'origine, moi je maîtrise la production linéaire, avec mes amis d’Ankama qui ne sont pas là. Si, il y a quelqu’un d’Ankama, merci d’être venu. Ils s'acharnent sur la production d’une série. Ils ont créé « Dofus », qui est un MMORPG (jeu de rôle massivement multi joueurs). Il y a un jeu assez extraordinaire qui est parti avec très peu de joueurs et qui aujourd'hui compte plus de 6 millions de joueurs. Une grande quantité en France certes, mais cela se développe aussi à travers le monde. Il y a plus de 600 000 abonnés qui ont le bonheur de payer 6€ par mois et qui font le bonheur de mes amis lillois.

- A. Gintzburger : C'est un jeu en réseau sur Internet, pour ceux qui ne sont pas très pointus sur les jeux.

- A. Soumache : C'est un jeu en réseau sur Internet, excusez-moi. Il a pris le parti pris opposé de tout ce qu'on peut connaître. Je ne sais pas si vous connaissez « World of Warcraft » ? C'est assez violent, avec cette image qui colle aux jeux vidéo de jeu dur et violent. Ils sont partis à l'opposé avec un esprit très Nintendo appliqué au monde online. C'est très ludique et amusant avec beaucoup d'humour. Il y a des combats, mais c'est plaisant. De Tourcoing, puis de Roubaix, ils ont créé une communauté exceptionnelle qui aujourd'hui compte plus de 6 millions d'enfants et ados qui vivent en réseau. Ce qui est intéressant là-dessus, à propos de la vie en réseau, c'est qu'il y a trois tendances dans le monde de l’interactivité. Vous avez les réseaux sociaux, il y a le jeu vidéo, et puis il y a les mondes virtuels type « Second Life ». Dans le monde du réseau, on remarque qu'aujourd'hui, quels que soient les réseaux, tous essayent d'être à la convergence de ces trois univers. Il faut procurer de l'expérience interactive mais aussi du réseau social et du monde virtuel. En fin de compte, « Dofus » et tous ces nouveaux univers, c'est avant tout un jeu en ligne, mais ça devient aussi un réseau social car les gens apprennent à se connaître, discutent ensemble. C'est aussi un monde virtuel dans lequel vous vivez, vous vivez dans l'univers de « Dofus ». Nous voyons aujourd'hui que tous migrent à essayer d'intégrer ces trois dimensions de l'interactivité. Nous, en tant que producteurs, nous nous sommes associés avec nos amis d’Ankama il y a un an et demi pour essayer de développer un projet crossmédia, en partant d'une communauté réelle et en partant d'une interactivité réelle. Nous essayons de voir comment nous pouvons greffer notre expérience linéaire, et où sont les passerelles, où sont les points communs. Comment prolonger ces expériences de jeux interactifs dans le monde des médias classiques sur la télé, mais aussi sur les mobiles ? Nous avons développé tout cela…

- A. Gintzburger : L'idée première, c'est de produire une série d’animation télévisée et de la décliner sur différents écrans.

- A. Soumache : Cette série télé est profondément interactive. Vous le verrez sur France 3 en septembre, c'est révolutionnaire. Blague à part, c'est génial. Vous travaillez avec des gens qui vivent au quotidien avec 6 millions de joueurs qui viennent jouer avec eux. Nous nous sommes amusés à dire: quelle est l'expérience supplémentaire ou la complémentarité d’une l'expérience linéaire qui nous renverrait à l'interactif ? Nous avons développé une légende sur la série qui vous permettra de suivre la série mais aussi de rejoindre la communauté des 6 millions de joueurs. Il y aura même des jeux de piste au sein même des épisodes diffusés. Nous avons travaillé sur toutes ces passerelles-là. C'est une expérience intéressante. De manière plus classique, nous développons « Skyland » : nous avions un univers très fort, un réalisateur talentueux, et nous étions frustrés à l'écriture de la série et même du long-métrage. Il y avait tellement de choses que nous voulions expérimenter dans ce monde-là, que nous nous sommes dit que l'expérience interactive était une manière de se prolonger et de produire des programmes. Je vais vous montrer un extrait sur « Wakfu ».


Diffusion d’un extrait vidéo.


- A. Soumache : Nous produisons aussi des Web-isodes, ce sont des gags qui nous permettent de revenir à la télé, puis de revenir vers le monde online. Toutes les équipes online et offline travaillent au même endroit, à Roubaix. C'est très intéressant car tout s'enrichit et tout participe à tout. Au-delà de la dimension ludique, voilà ce qu'offre un Webisode. Vous avez vu un petit personnage et vous avez eu grand plaisir à le retrouver sur votre portable. Nous avons multiplié l’expérience, et nous écrivons aussi d'un point de vue narratif, en fonction des supports. C'est intéressant de travailler pour tous ces médias. C'est un projet global qui est assez passionnant. Il est en pleine création. Nous sommes en plein dedans. Nous allons nous arrêter là pour rendre ce débat interactif.

- A. Gintzburger : Merci en tout cas pour ce joli cadeau. Vous êtes en plein dedans, nous allons attendre la rentrée scolaire prochaine pour le découvrir... Pour terminer notre tour de table, Mickaël Stora, merci d'avoir accepté notre invitation, vous êtes psychologue clinicien et psychanalyste, vous avez publié « Les écrans, ça rend accroc ». Nous avons parlé des jeux et des déclinaisons multi-écrans. Nos ados sont-ils accrocs? Y a-t-il danger, Docteur, que cette addiction les porte vers des mondes qui soient dangereux ? Vous, vous faites partie de ceux qui considèrent que le jeu vidéo est aussi un allié pour des thérapeutes…

- M. Stora : A quoi vais-je répondre en premier ? A la question de l’addiction ?

- A. Gintzburger : Dites-nous comment vous travaillez sur les jeux vidéo. Pourquoi vous faites partie des médecins qui ne les tiennent pas à distance, et qui en font des alliés auprès des ados ?

- M. Stora : Il est vrai que j'ai biberonné aux images télé. J'ai toujours eu le fantasme, enfant, de pouvoir rentrer dans les images. En 1995, j'ai joué à un jeu qui s’appelle « Deus Ex » : c'est un jeu en 3D qui m'a permis de rentrer dans l'image, de vivre et de me battre dans les images, peut-être était-ce une manière de me les approprier. Nous avons beaucoup parlé des images classiques et des écrans dits passifs. C’est faux car mentalement, nous transformons ce que nous voyons. Il y a un rapport quasi sacré aux images, des enjeux quasi existentiels : je passe à la télé donc j’existe, je crois à ce que je vois, et non à ce que je pense. C'est intéressant que la culture du jeu vidéo vienne bousculer tout cela, et permette de pouvoir jouer, de pouvoir transformer avec Photoshop. Un enfant a un regard beaucoup plus lucide sur les images, que ses parents qui pensent que le journal de TF1 est vrai par exemple, c’était un sondage Médiamétrie d’il y a 6 ans….

- A. Gintzburger : Il n’y a pas d’attaques personnelles…

- M. Stora : Non, PPDA est un très bon acteur, sûrement. Cela permet au fond de pouvoir se moquer un peu des images, je pense que c’est une des raisons pour lesquelles les parents ont du mal. Il y a un véritable fossé générationnel. Les parents souvent n'ont pas connu ce propre jouet dans leur enfance. Ils ont du mal à s'identifier, à part quelques-uns. La plupart du temps, il y a une méconnaissance. J'essaie, dans mon travail d'analyste, de comprendre pourquoi il y a cette peur. Premièrement, il y a un fossé générationnel. Deuxièmement, les parents ont un rapport quasi sacré : la messe cathodique, avec les nouveaux prophètes, je ne citerai pas de noms. Ce qui est choquant, c'est qu'une petite fille de 8 ans qui va jouer à « Doom », habillée tout en rose, ça choque. Avec ces pulsions sadiques, on se rend compte que l'enfant n'est pas sage comme une image. L'ère du jeu a toujours été une ère de mise en scène ces pulsions-là. Le jeu permet de dire « je ». Cela a été important à un certain moment. Cette liberté qu'a l'enfant de jouer avec les images peut choquer. Nicolas nous a montré des images de basket, il y a évidemment du réalisme qui existe dans des jeux, avec une violence graphique, j'insiste là-dessus, nous allons avoir un réalisme qui me rappelle quand j'étais gosse. Nous jouions avec des bâtons et il y avait un plaisir jubilatoire à tomber au ralenti. Nous retrouvons ça dans le jeu vidéo. C'est une esthétique de la mise en scène de la mort. Quand on s’est battu pendant une heure contre un boss, c'est-à-dire un grand monstre, nous n'avons pas envie qu'il meure en un quart de seconde. Nous voulons que cela prenne des proportions qui dépassent l'entendement.


- A. Gintzburger : On a envie d’être un héros…

- M. Stora : Le jeu vidéo permet d'être le héros de ces images. Dans cette société, on parle des images, mais l’image de soi est parfois surinvestie. Nous avons tendance à faire de nos enfants des champions des compétences cognitives. Les Américains ont travaillé depuis quinze ans sur le jeu vidéo, et ils ont montré que oui, cela développe une intelligence déductive, la spatialisation en 3D, la capacité à réaliser plusieurs tâches en même temps.

Mais moi, je suis psychanalyste, je vais donc m'intéresser à la rencontre entre une histoire chez un enfant, un adolescent et le jeu vidéo. Le jeu vidéo reste une narration en action. Cela reste un média d’action, mais il y a une narration : lorsque je joue à « Tétris » je me raconte une histoire. « Tétris » c'est amusant, c'est un jeu obsessionnel où il faut remplir des trous. D'autres, branchés sur la dimension quasi psycho-sexuelle, diront il y a des trous à remplir. On peut aller très loin. Il y a étonnamment une mauvaise image du joueur, une sorte d’autiste obèse avec un doigt hypertrophié. Quelqu’un a évoqué le plaisir tout à l’heure. On n'osait pas dire plaisirs solitaires. Il y a quand même de cela. MMO ferait du joueur une sorte de masturbateur sans fin. Je suis un observateur militant, c'est mon travail. J'essaye de me dire qu'il y a quelque chose d'intéressant dans cette culture. Le grand danger pour moi, le risque, serait que le jeu vidéo devienne une culture, voire un objet artistique aussi formaté que la télé, qui a parfois du mal à prendre des risques. J'attends les jeux vidéo d'auteur. Il y aurait des choses à imaginer pour le futur. J'ai eu l'occasion de déjeuner avec Natalie Bevan de Médiamétrie, et nous parlions de cette question des 15-24 ans qui délaissent énormément la télévision. Là où je suis inquiet, c'est qu'on perçoit des crises d'adolescence virtuelles. C’est vrai qu’il y a des signes inquiétants…


- A. Gintzburger : Ca veut dire quoi, crise d’adolescence virtuelle ?

- M. Stora : Il y a un gros souci qui fait que beaucoup d'ados, maintenant, le clash va exister, mais au lieu de partir dehors, de faire une fugue ou le tour de pâté de maison, nous allons dans notre chambre nous battre contre les monstres sur Internet. Cette crise d'adolescent ne se fait plus dehors mais chez soi. C'est plus inquiétant. Nous sommes dans une forme de paradoxe : le confort de la crise d'adolescence chez soi avec le matériel que ça sous-entend. Tellement de choses ont été abordées que je suis peut-être dans le multi tasking...

- A. Gintzburger : Ce qui nous intéresse le plus c'est que vous nous racontiez comment vous est venue cette idée d'utiliser le virtuel à des fins thérapeutiques.

- M. Stora : Là, ce sont plus des enfants qui avaient des troubles du comportement, dits violents : j'ai pris le risque de les soigner avec des jeux vidéo. Les enfants m'appelaient « le psy qui console ». En même temps, j'ai eu des gros soucis, il faut être honnête. Winnicott, qui est un grand psychanalyste, aurait peut-être joué aux jeux vidéo. Mais il y a beaucoup de refus de la part de mes pairs. Cela évolue, heureusement. Beaucoup d'enfants ont des problématiques limites, et les jeux vidéo mettent des limites, contrairement à ce que l'on croit. Ils demandent de persévérer, de vivre une histoire, d’incarner un avatar, de faire émerger toutes sortes de choses.. Les enfants transforment ce qu'ils voient. J'ai choisi des jeux vidéo très précis. J'utilise quatre jeux. J'attends que nous inventions d'autres jeux. Il y a « Ico », « Shadow of Colossus », les Sims et « Fable ». Ce sont de grands jeux. Les Sims, c'est très intéressant pour moi, car il m'arrive de voir comment les enfants... Mon boulot, c'est d'aider les enfants à flinguer les figures parentales. Dans les Sims, vous créez une piscine, et vous faites mourir vos parents dans un plaisir totalement jubilatoire. Les jeux vidéo me permettent d’utiliser cette agressivité propre à l’être humain. L'homme est un loup pour l'homme, et le jeu vidéo le montre. Cela choque. Là, vous êtes vous-même acteurs. Et les parents finalement peuvent être jaloux ou envieux de cette liberté. Il y a des enfants qui m’ennuyaient en thérapie, car ce qui les intéressait, c’est de me gagner. On joue aux cartes, pas au poker. J’ai gagné le psy, mais ce n'est pas suffisant. Le jeu vidéo est un allié thérapeutique, un co-thérapeute très intéressant. Je l'utilise comme un outil thérapeutique, mais là où c'est intéressant, c'est que ça marche. Je suis très anglo-saxon dans mon approche : j'ai 85% de réussite. Les enfants reprennent un cursus scolaire. Quelque chose s'est calmé sur le plan pulsionnel, et grâce aux jeux vidéo et à la violence mise en scène qu'ils y trouvent, ils peuvent retrouver l’envie d’apprendre. Je fais cela dans un cadre clinique. Un vendeur de jeux vidéo m'a raconté que trois mamans sont venues le voir pour acheter « Ico », en se disant que « Ico » soigne les enfants qui ont des troubles du comportement.. C'est un outil très passionnant pour moi. La main devient la métaphore du moi dans le jeu vidéo. Même si les interfaces bougent, la sentiment de présence, qui est essentiel dans le jeu vidéo, peut se faire avec la main.


- A. Gintzburger : Autant vous dites que les parents ne peuvent pas se substituer à un travail thérapeutique, autant nous pouvons imaginer que ce que vous construisez avec les enfants en thérapie peut être prolongé à la maison avec les parents. Cela peut peut-être permettre de renouer le dialogue avec les parents?

- M. Stora : J'aurais tendance à penser que nous ne sommes pas obligés de jouer avec nos enfants. Il y a des jeux sur consoles qui sont superbement beaux. Il y a des mamans qui ont du plaisir à regarder leurs enfants jouer sur la télévision. Le joueur devient une sorte d'acteur, spectateur, et metteur en scène. Il y a une maîtrise qui permet aux parents d'être spectateurs de leurs enfants: ils font des prouesses. Maintenant, je connais des pères qui me disent qu'ils n'osent pas jouer contre leur fils : ils ont peur de perdre. On va peut-être mettre en place des championnats trans-générationnels. Il y a quelque chose à mettre en avant pour décoincer cette bulle qui est très française. Nous avons un vrai problème en France sur cette question-là. Nous pouvons tout à fait imaginer, même à un niveau individuel, seul chez soi, beaucoup de gens, et pas seulement des jeunes puisque l’âge moyen du joueur est de 28 ans en France, des gens qui vont utiliser parfois de manière inconsciente le jeu vidéo, peut-être pour soigner quelque chose. C'est marrant, car « Dofus » est un jeu que m'a évoqué un monsieur, c'était un homme politique, je le recevais en thérapie. Il était devenu accro à ce jeu. Nous n'allons pas rentrer dans la dimension addictogène des MMO, mais à un moment dans sa vie, nous avons besoin de trouver des lieux où nous allons retourner la vapeur. Nous allons soigner des frustrations, des stress. Le jeu vidéo va permettre de soigner ces choses-là, de réparer sa propre image, permettre de réparer sa propre ambivalence... C'est ça, qui est très intéressant dans le jeu vidéo. Je me souviens d'un monsieur qui était patron de presse, et qui m'a avoué les yeux baissés qu'il jouait énormément à « Sim City » entre autre parce que sa femme le maltraitait. Chacun va utiliser les jeux vidéo pour un bien être. Tout en sachant qu'il ne s'agit pas de faire d'angélisme. Il y a des jeux que je n'apprécie pas. Il y a un jeu, « GTA San Andreas », qui m'a beaucoup inquiété. Certains enfants m'on dit qu'ils s'étaient sentis trop libres, et d'autres disent qu’ils adorent cette liberté. Le sentiment de liberté n'existe que parce qu'il y a un cadre, paradoxalement. Ce type de jeu plaît, car ça s'est vendu d'une manière folle, néanmoins le risque est de faire du jeu vidéo une sorte de punching ball numérique : il n'y a pas de justification, ni de contextualisation de l'agressivité. L'agressivité est une chose saine, le jeu l'a bien compris, car il y a toujours un contexte. Je tue des extraterrestres parce qu’ils envahissent la planète. C’est ce qui va nous permettre de rentrer dans un avatar et d'accepter les règles.

- A. Gintzburger : Je trouve cela passionnant, j'ai envie de vous solliciter les uns et les autres pour des questions. Les micros sont toujours là, nous avons un gros quart d'heure, si nous le souhaitons, pour entendre les uns ou les autres sur le jeu vidéo, le fossé générationnel, mais aussi sur cette manière que peuvent avoir les ados et les parents de se retrouver à travers ces jeux. Il n'y a pas tant de questions que cela... Oui, Madame…

- Une auditrice dans la salle : Bonjour, je suis journaliste. Vous évoquiez l’addictologie, tout en disant qu’on n’allait pas en parler. Parlons-en tout de même. Lorsqu'on est producteur, et qu’on conçoit des jeux, comment prendre ce facteur en considération ?

- N. Gaume : J’ai écrit un livre, j’ai travaillé comme le fait Ankama aujourd’hui sur des productions crossmédia. Je ne pense pas que nous ayons une approche différente de celle d'autres créateurs. Quand j’ai écrit mon livre, j’avais envie que les gens prennent le livre et aient envie de tourner la page pour continuer. On a la même approche dans la façon dont on construit un jeu : nous utilisons des outils que nous connaissons probablement moins bien et dont nous connaissons probablement moins bien l'impact. Je ne vais pas vous le cacher, nous le faisons avec le plus de bon sens possible, avec nos valeurs. Je suis père d’enfants qui jouent et je me pose ces questions. J'avais l'opportunité, à un moment de ma carrière professionnelle, de créer un jeu concurrent d’un jeu qui s'appelait « Carmageddon ». L’objectif était de rouler sur d'autres personnes pour gagner des points. Mon éditeur, qui a diffusé mon produit, m'avait demandé de rajouter des passants sur lesquels on pouvait rouler. J'ai refusé, trouvant que c'était sans objet. Je le redis, le jeu vidéo apporte énormément de choses. J'ai eu l'occasion, ces cinq dernières années, de travailler sur des jeux en ligne, où il y avait une dimension encore plus puissante. Nous pouvons en parler, car c’est là que la question de l’addictologie et de l’implication joue à plein. Nous sommes dans une situation aujourd'hui où, sur ce type de jeux, on tire par l'expérience la plus ultime.

Pour faire simple, un jeu vidéo en ligne, c’est comme une station de ski. Nous y venons pour faire du ski. Entre la personne qui se lève à 7h du matin pour faire son footing et être tôt sur les pistes, et celui qui se lève à 13 h car il a fait la fête toute la nuit, celui qui va avec ses enfants faire des bonhommes de neige ou de la luge, celui qui sera avec ses copains à manger des tartiflettes, il y a des expériences très variées. Donc nous avons un microcosme social, nous sommes dans un environnement où nous essayons de faire converger réseaux sociaux, outils de communication tribaux, et instantanés et multiples, avec cette expérience de jeu qui est une façon d’éditorialiser, de cadrer. Nous sommes à peine en train de trouver des règles qui font l’expérience interactive de qualité. Lorsque nous parlions d'agressivité dans le jeu, elle est canalisée, car il y a une thématique. Le problème du jeu en ligne, c'est qu'aujourd'hui il ne s'adresse qu'à cette population qui va vouloir être le joueur de ski actif, qu’il exclut tous les autres, et encourage les autres à être dans cette catégorie-là. Je pense que cela tient aussi à la maturité des jeux. C’est de l’intérêt économique des producteurs de jeux de toucher un public le plus large. De toute façon, les joueurs les plus actifs ne représenteront pas la masse. Mais nous, comme producteurs, il nous faut toucher des gens qui ne soient pas les plus actifs, prêts à ne jouer que 5 minutes de temps en temps, et pas 40 à 50 heures par semaine. Je suis capitaliste, et je crois aux vertus du système auto-régulé d’une certaine façon. Nous sommes au début des jeux en ligne, et cela va amener à traiter ce type de danger. Comme créateur, cela me préoccupe plus que le temps que nous passons sur un jeu.

- A. Soumache : Juste une remarque, très simplement. Ce qui est intéressant, j'ai été dernièrement à une présentation de Microsoft sur l’évolution du monde des jeux vidéo. Nous sommes au début du jeu en ligne et même du jeu vidéo tout court, cela n'a que 20 ans. Nous sommes dans le Hollywood des années 30. Il y a la dimension addictologie, mais pour un jeu comme « Dofus », je ne suis pas là pour le défendre, nous travaillons sur l'expérience linéaire. Mais en réalité. Rester des nuits entières à jouer dans les réseaux sociaux, il y a une expérience extrêmement positive. Certains stigmatiseront le côté « on ne se rencontre pas », ce qui est faux. La communauté discute, il y a énormément de rencontres. Ankama pourrait dire le nombre de mariages qui ont été faits grâce à « Dofus », c’est assez exceptionnel. Il y a une vraie communauté. Je la trouve ludique et sympathique. Il y a une dimension transgénérationnelle. Des parents jouent avec leurs enfants qui communiquent avec d’autres enfants. Chez Microsoft, nous avons vu que pour les 10 années à venir il y allait avoir un retour à la douceur et à la poésie dans les jeux vidéo. Nous en sommes au tout début. Il y a des jeux vraiment originaux qui commencent à apparaître. « Ico » est exceptionnel. Il y a donc un manque de maturité, mais ce sont les grandes tendances de Microsoft et de tous les autres éditeurs de jeu d'aller vers des choses aussi magiques que « Ico », « Shadow of Colossus », et que ce soit dans le offline ou dans le online.

- M. Stora : Au niveau de l’addiction, je dois en parler un petit peu. 80% des patients que je reçois sont des « No Life ». Ce sont des drogués qui jouent jusqu'à 90h, soit 10 ou 15h par jour. Ce ne provient pas du jeu vidéo, qui est un révélateur.

- A. Gintzburger : C'est ce que décrivait l’ethnologue ce matin : il nous décrivait des parents qui décrivaient leurs enfants dans un état d’excitation…

- M. Stora : Non, l’excitation peut venir parce qu’on a perdu : on est tous mauvais joueur. Je ne travaille pas dans l'entreprise, je me permets d’avoir une forme de recul. Le jeu « World of Warcraft » regroupent 600 000 joueurs en France, 11 millions de gens dans le monde. Je pense que 500 000 joueurs sont ou vont devenir dépendants. C’est un jeu qui a des ressorts complètement addictogènes, il ne faut pas le nier. J'ai moi-même été expert auprès du Forum des droits sur Internet avec le ministère de l’Intérieur, et les gens de Vivendi Universal, on leur a dit : pourquoi ne pas faire en sorte que lorsqu'un joueur joue depuis trois heures, son personnage devienne plus lent pour une prise de conscience: ce n’est pas possible. Le verrou parental nous ne pouvons le mettre qu’au début, après ce n’est plus possible. Il y a moyen de mettre des messages à l'intérieur du jeu, mais les producteurs ne le veulent pas. Il y a 11 millions de joueurs dans le monde qui payent 15€ par mois : quel est l'intérêt de faire ça pour eux ? Dans ces jeux en réseau, on ne vous oblige pas vraiment, mais dans l’idéal il faut d'être présent 3 nuits par semaine de 21h à 1h du matin. Il y a beaucoup de choses compliquées, elles existent, il ne s’agit pas de les nier.

On n’a pas les mêmes syndromes qu’en Corée où il y a déjà eu des morts. Maintenant, on hospitalise de plus en plus. Cela devient un syndrome, on n'en parle pas beaucoup. C'est le syndrome « No life ». « Dofus » est très différent. Il y a une dimension humoristique qui met de la distance. Mais il y a aussi des accrocs à « Dofus ». Je connais des ados qui me disent: je ne joue pas à ce jeu-là, car il est impossible de n'y jouer qu’une heure ou deux, cela n'a aucun intérêt. Il est important de le dire. A l'inverse, le jeu vidéo offline peut aussi être une expérience où il y a un autre. Il est invisible, mais c'est le programmeur, le père virtuel. C'est l'intelligence artificielle qui va prendre de plus en plus ses lettres de noblesse. Elle va me donner cette illusion. Maintenant, je suis un peu schizophrène : nous travaillons sur le transfert des compétences. Cela veut dire que quelqu'un qui dirige une guilde de cinquante personnes dans un jeu, a des vraies capacités de manager incroyables, alors que dans la vie, il est cariste. Pourquoi ne pas prendre en compte ses compétences dans le domaine de la vie réelle ?

- A. Soumache : Au bureau, un des patrons du game design, c'est le plus grand orque au monde de « World of Warcraft ». C'est un type brillant et génial. J'ai été gros joueur : évidemment il y a des dérives, mais il ne faut pas stigmatiser tous ces travers...

- M. Stora : Soyons honnêtes, entre nous, World of Warcraft, ce n'est pas du jeu. C’est un autre type de plaisir dans le jeu et les joueurs le disent « ce qui me plaît, c’est qu’il y a d’autres joueurs comme moi. Ce n’est donc pas un jeu très compliqué : il faut simplement être présent. Pour mener son avatar d'un niveau 0 à un niveau 70, il faut 95 heures. J'ai joué à « Warcraft » I, II et III offline, ce sont des jeux supers qui racontent une histoire géniale. J'ai envie de dire : les parents, faites attention si vous l'achetez, installez tout de suite le verrou parental. C'est ça le jeu. Un avocat, père d’un patient, m'a dit qu'il voulait porter plainte contre Blizzard. Je lui ai répondu que je pensais que Blizzard se retournerait contre lui car c'est un nouvel enjeu d'autorité parentale. Il faut que les parents aient aussi la capacité à mettre des limites.

- Une auditrice dans la salle : Je me présente, je suis présidente d'une association qui s'appelle « Enfance Télé Dangers? ». Je voulais vous poser une question par rapport à l'avenir des jeux vidéo et de la télévision. Les enfants d'aujourd'hui ne grandissent plus à partir d'expériences personnelles, d'expériences motrices et relationnelles, mais à partir d'images qui ont été créées pour eux, la plupart du temps dans un but marchand. C'est un premier point. Je voudrais vous lire un mail que j’ai reçu d'une association canadienne. Il dit que les jeux vidéo de type FPS, c'est-à-dire qui va faire feu le premier, sont des simulateurs de meurtres. Mais bien sûr le chiffre d’affaire est de 10 milliards de dollars US. Les jeunes affichent un comportement antisocial dès qu’ils cessent de jouer : il y a une augmentation de 43% des pensées agressives et une hausse de 17% des réponses violentes à la provocation. Les jeux vidéo comptent pour 13 à 23% dans la hausse des comportements violents des adolescents. Pour comparaison, le tabac compte pour 14% dans la hausse des risques de cancer.

- M. Stora : Tout cela est faux. Cette référence au colonel Grossman de l’armée américaine, qui pense que le jeu vidéo fonctionne par procédure, c’est totalement faux. Des études ont au contraire montré que les jeux vidéo ont permis de baisser la violence dans les écoles. C'est aussi un outil utilisé dans les banlieues comme un outil de socialisation. Il faut faire attention à ce qu'on lit. Il y a très peu d’études très sérieuses. Je travaille pour PEGI, et on met en place des études internationales sur l'impact. Les Anglais ont fait des études pour montrer que le joueur de jeux vidéo est quelqu'un qui fait du sport, qui est plutôt bon à l'école. Il faut renverser la représentation que l'on a.


- A. Soumache : Je n'ai pas compris ce que vous disiez à propos de la dimension marchande des jeux ? La littérature n’est pas un univers marchand pour vous ? Je n’ai pas bien compris.

- M. Stora : Savez-vous que Dumas a été interdit au début car nous pensions qu'il allait faire des garçons violents ?

- A. Soumache : Aujourd'hui, jouer aux Lego ou acheter un livre, il y a un acte marchand. Il ne faut pas stigmatiser l'acte marchand avec la créativité. Je suis d'accord pour dire que dans le jeu vidéo, il n'y a pas assez d'auteurs, pas assez d'artistes. Tout le monde doit s'y mettre. Vous avez aussi intérêt à dire que c'est quelque chose d'intéressant pour que les gens se passionnent, que les artistes se l'approprient. Mais ne mélangez pas la dimension marchande avec l'expérience pour le monde des enfants. Car vous ne feriez quasiment rien chez vous.

- Une auditrice dans la salle : D'abord pour ma part, je voudrais parler en tant que joueuse, je travaille chez Ankama. Je joue depuis que j'ai 6 ans. Je ne suis pas quelqu'un de déséquilibré ou de violent. Je voudrais rassurer les parents. Mes parents ont su m’inculquer certaines valeurs que j'applique dans le jeu. Je veux parler de la solidarité dans les jeux en ligne, mais si le jeu est un défouloir pour l'agressivité, pour le moment de stress, cela fait du bien. J'ai toujours très bien vécu cela. Ma mère ne m'a jamais limitée. J'ai été tête de promo de l'école primaire à la faculté. J'ai su me limiter seule. Il y a moyen de ne pas devenir « no life », de continuer de voir sa famille. Je suis une fille, on dit souvent que les jeux vidéo aident pas mal à la spatialisation et je reconnais que c'est vrai. On diabolise beaucoup les jeux vidéo : c'est d'abord une part de l'éducation qui est importante. Ensuite, on dit que les jeux vidéo rendent accroc. Ce que je trouve intéressant, c'est que pour les jeux en ligne, les communautés sont développées et se rencontrent souvent dans ce que nous appelons des IRL. Nous nous rencontrons dans la vie réelle. Ce qui est important, c'est de se dire qu'à l'autre bout de la ligne, il y a quelqu'un qui aime la même chose. Nous nous rencontrons pour partager nos points communs. En ce moment, nous travaillons avec des médiathèques. Les enfants qui jouaient déjà à Dofus depuis chez eux viennent à la médiathèque pour jouer avec d'autres enfants dans la même salle. Ils s'entraident beaucoup et s'expliquent les choses. Il y a aussi le côté compétitivité. Mais ces enfants se regroupent autour du jeu. Ils ne sont pas seuls devant leurs ordinateurs. Il y a aussi des gens qui restent seuls, mais on peut aussi tisser des amitiés.

- N. Gaume : Ma première aventure entreprenariale, celle de Kalisto, s’est composée de gens que je connaissais très bien, que je fréquentais depuis 4-5 ans dans les ancêtres des MMORPG. Je ne les avais jamais rencontrés physiquement. Nous avons appris à travailler ensemble dans le virtuel. Cela fait maintenant vingt ans que nous continuons, jusque dans le groupe Lagardère.

- M. Stora : La rencontre en IRL est un très bon signe. Je le répète, les jeunes qui deviennent addicts au jeu, ce n'est pas le jeu qui est responsable, c'est déjà des jeunes qui n'allaient pas bien. C’est un « prozac » interactif. Ils vont trouver des choses que la société ne proposait pas, comme un cadre initiatique. Ce sont des adolescents, ils ne veulent pas être accompagnés. L'effet paradoxal, c'est que plus on diabolise cette culture, plus les ados aiment. Il y a de moins en moins d'espace de transgression dans notre société, le jeu vidéo représente un de ces lieux.

- N. Gaume : En Corée ou en Chine, ce sont des sociétés dictatoriale pour l’une et anxiogène pour l’autre... Aujourd'hui en Corée et en Chine, il y a un espace de liberté incroyable. Plus de 60% de la population est connectée sur un univers virtuel qui s'appelle « Cyworld ».

- A. Gintzburger : Rapidement si vous le voulez bien… Madame ? Monsieur…

- Un auditeur dans la salle : Bonjour, Paul Moulas, je travaille à la maison de Solenn. Je travaille comme Monsieur Stora sur des thérapies à partir des jeux vidéo. J'ai vu récemment qu'il y avait des casques interactifs qui étaient en train d'être créés. Je l'ai vu en Australie. Pensez-vous que le futur du jeu vidéo est un rapprochement avec la réalité? On n’arrivera plus à différencier la réalité de la virtualité?

- A. Soumache : Je ne pense pas. Quand vous regardez les recherches, avec la projection en relief sans lunettes, je pense que le cinéma et la projection d'images .... Finalement, nous sommes dans la projection d'images, et pas dans l’expérience de jeu ou pas de jeu. Je reviens à une base qui est : qu'est-ce que je vois, est-ce que c’est vrai ou pas ? Avec l'entrée en gare d'une locomotive dans la gare de La Ciotat filmée par les frères Lumière, les gens sortaient de la salle effrayés, pensant que la locomotive allait les écraser. Cela aujourd'hui nous fait rire. Aujourd'hui, nous sommes là juste dans une expérience visuelle, et c'est à vous de faire la part des choses. Il n’y a pas d’amalgame, il y en aura sûrement. Aujourd'hui, on pousse de plus en plus. Je vous invite à regarder à la maison les tests sur des écrans reliefs sans lunettes : c'est extraordinaire. C'est l'évolution du noir et blanc vers la couleur, de la couleur vers le relief, du relief vers la virtualité ou l’hologramme. Depuis toujours, l'image sert à projeter le réel. Après, aux artistes de se l'approprier et d'en faire des films magnifiques ou de beaux jeux vidéo. Cela n'a rien à voir avec le jeu vidéo en soi.

- A. Gintzburger : Une dernière question avant la table ronde suivante. Je ne vais pas pouvoir donner la parole à tout le monde.

- Une auditrice dans la salle : Bonjour, Diane Morel, scénariste de dessins animés. Je voudrais d'abord apporter un témoignage. Les jeux vidéo peuvent être perçus de manière positive, car moi aussi j'ai été bonne élève, j'ai beaucoup joué et j'ai survécu. Je voudrais parler du personnage de Lara Croft. Cela a été l'un des premiers personnages féminins auxquels garçons et filles ont pu s'identifier. Comme scénariste, j'ai pu voir la différence dans la représentation des femmes à travers la télévision ou au cinéma. Elles n'étaient plus potiches, mais sont devenues des femmes d'action. Cela a été amené par un jeu vidéo. Cela a été assez fort et positif.

Je voulais poser une question par rapport à l'idée du jeu vidéo d'auteur. Est-ce que cette notion n'est pas contradictoire avec ce qui a été dit sur le fait qu'il fallait développer des mondes virtuels en réseau qui soient très accueillants, poétiques et riants? Un peu sans aspérités, et pas choquants, et universels ? Alors qu'on voit aujourd'hui, un des seuls auteurs ayant signé un jeu vidéo d’auteur est Clive Barker, qui est le créateur de Hellraiser et de Candyman, et qui a dit qu’il l’avait fait parce qu’il ne pouvait plus s’exprimer…

- N. Gaume : il y en a eu d'autres. Spielberg est un grand passionné de jeux vidéo, il crée des jeux avec Electronic Arts de manière polémique.

- La même : c’est dire que les auteurs peuvent présenter des choses avec des aspérités et pas forcément un monde rose et souriant.

- N. Gaume : Il n’y a aucun doute sur le fait que les auteurs sont fondamentaux mais la création de jeux vidéo est d'abord un travail collectif, entre l’idée d’une personne qui manie l’écrit et une personne qui manie le dessin, donc technologiquement l’implémenter reprend une dynamique collective. Il y a un consensus, mais je pense que c’est moins d’auteurs que de producteurs capables de libérer les auteurs qui existent et qui travaillent de manière remarquable dont on a besoin. Le Ministère de la Culture a commencé à remettre des récompenses à des créateurs de jeux vidéo depuis deux ans. Un certain nombre de talents ont été mis en avant et présentés au grand public. Maintenant, il y a une réflexion à avoir par rapport à MMO qui me semble plus pertinente. Je crois que l’auteur du jeu MMO, c’est le joueur. Je vais au bout de ce que disait Mickäel : on ne fournit pas seulement un jeu, mais des outils pour créer des images, des données, voire façonner des lieux qui vont avoir une vie au-delà de l’expérience du joueur, et qui vont rester permanents pour l’ensemble des joueurs. C'est cette dynamique collective que je trouve intéressante. On touche des vrais sujets d'intelligence collective, de dynamique, de création.

- M. Stora : Je suis d'accord sur la question de jeux vidéo d'auteur. J'ai été consultant pour Ubisoft, ils ont fait exprès de prendre un psychanalyste : ils s'autorégulent. Vous évoquez la question de la violence. Les éditeurs et les développeurs eux-mêmes s'interdisent des choses. Ils avaient des projets ambitieux. Je leur ai dit : au contraire, allez-y, ce n'est qu'un jeu. Des jeux comme « Ico » évoquent des bons sentiments, mais en même temps, c'est un jeu qui propose des émotions nouvelles.

- A. Soumache : Je n'ai pas compris pourquoi la notion d'universalité est antinomique avec la notion d'auteur? Walt Disney est un auteur. Derrière « Dofus », il y a un vrai bonhomme derrière. Il y a un auteur. Des auteurs, il y en a partout. Même dans des jeux qui génèrent des millions de connexions ou des projets plus restreints.

- A. Gintzburger : Vous avez tous les trois considéré que « Ico » était l'un des jeux vidéos les plus correspondants aux valeurs que les parents ont envie d'inculquer à leurs enfants. Nous allons regarder un petit extrait. C'est Mickaël Stora qui nous l'a apporté…


Diffusion d’un extrait vidéo


- N. Gaume : Je réagis, car quand on voit ces images, elles ne sont pas différentes d'autres jeux qu'on a vus. Ce qui est intéressant dans ce jeu, c'est le rapport au temps. Ici, il y a une appropriation du temps, et un beau travail sur le son. C’est un univers onirique. C'est un jeu qui est très marquant là-dessus.

- A. Soumache : Voici la preuve qu'un jeu vidéo ne se regarde pas.

- A. Gintzburger : Monsieur voulait poser une question...

- Un auditeur dans la salle : Christian Gautellier, je suis vice-président du CIEM. Il faut resituer de quoi nous parlons au niveau de la production de jeux vidéo. Nous avons mis en place un prix qui s'appelle le prix média jeunesse. L'objectif est de promouvoir des actions et des contenus pour les jeunes de qualité. L'année dernière, nous avons dit nous allons regarder l'univers des jeux vidéo. Nous travaillons avec une association qui s'appelle Positive Play. Elle a pour objectif de revaloriser l'image du jeu vidéo. Vous ne pourrez pas me dire que j'ai une approche négative. Nous avons primé « Dofus ». Nous avons identifié dans ce jeu-là un certain nombre de valeurs qui correspondaient à ce que nous pouvions promouvoir. Mais cette production-là, ce n'est pas la production majoritaire, ce n'est pas la production dominante, quand on regarde le top 10 des jeux vidéo les plus consommés. Les critères du prix média jeunesse, notre présidente y était attachée, c’était de regarder les créations françaises. Dans les productions françaises, il faut préciser qu'elles sont peu nombreuses, il faut savoir de quoi on parle. L'univers qui est proposé aux enfants et aux jeunes sur des jeux vidéo est essentiellement un univers anglo-saxon. Il ne correspond pas à la culture française ni à la culture européenne. Il faut donc savoir de quoi on parle. Là, nous aurions l'impression que l'univers des jeux vidéo dans ce cas est ce que vous avez décrit. Ce n'est pas ce que consomment les jeunes. Ce sont des jeux de bastons, très liés au sport, aux courses automobiles.

- A. Gintzburger : Je crois que nos invités au contraire font référence à des jeux qui n'étaient pas si nombreux que ça.

- Le même : Et vous renvoyez tout le temps la question des parents. Les parents n'ont pas cette question à gérer. Est-ce qu'il y a une critique du grand public qui permet aux parents d'avoir des repères sur les lignes éditoriales des jeux vidéo ? Est-ce qu'il y a des critiques qui sortent de la logique de marché? Ce dont on parle aujourd'hui, c'est 5 ou 10% de la consommation et de l'offre des jeux vidéo. Quand vous dites que la dimension marchande... Vous avez ironisé, mais la production de la plupart des jeux vidéo coûte extrêmement chère. Cette dimension économique, elle pèse sur les contenus. C'est comme si nous parlions aujourd'hui de la télévision, en ne parlant que d’Arte. On sait bien qu'en télévision, c'est qui est majoritaire, c’est TF1 et d’autres chaînes. Il faut donner cette information et resituer les discours. Nous, dans notre association d’éducateurs, association familiale, nous devons accompagner les familles qui sont confrontées à des offres télévisuelles multiples. Elles n'ont pas forcément les outils, ni dans leurs formations, ni dans leur culture, qui permettent d’offrir un véritable choix à leurs enfants. Comme ils n'ont pas de choix, ils consomment de l'image, du TF1, des productions anglo-saxonnes, etc...

- N. Gaume : Nous avons un système qui s’appelle PEGI, avec un système d'âge et de pictogrammes sur chaque boite de jeu, pour savoir s’il y a de la violence ou pas. Nous avons un certain nombre de mesures qui sont prises. Quant à l'état de l'industrie et de la production, nous savons qu'il est calamiteux mais c’est un autre débat.

- A. Gintzburger : Pour refermer ce chapitre-là, ce qui s'est dit depuis ce matin, ce n'est pas de dresser les parents contre les producteurs, ou les parents contre les enfants. Il faut chercher ensemble des voies qui permettent ensemble, en famille, même s'il est effectivement techniquement nous ne sommes pas toujours, nous les adultes, en mesure de partager, d'accompagner nos enfants. Nous sommes tous d'accord pour dire qu'il faut faire mieux. C'était le sens de l'intervention de nos invités ici qui sollicitent des auteurs pour produire des jeux vidéo français. Je vous remercie beaucoup tous les trois. Nous voyons bien que ce sont des sujets qui suscitent de l'intérêt et de la passion. C'est le but de cette journée. Je propose aux trois invités suivants de nous rejoindre. Nous allons parler d'éducation par le virtuel avec Karine Leyzin, Imad Bejani et Henri Verdier mais avant cela, nous allons regarder un petit clip.

Diffusion d’un clip

- La télé, ça ne sert pas à travailler. La télé, ça sert à s'amuser et aussi à faire passer le temps si on s'ennuie.

- Ce qui m'épate, c'est que les enfants sont de plus en plus à l'aise avec l'informatique. Je me rappelle de moi, quand j'ai découvert l'informatique à l'école, on avait tous très très peur de cliquer sur la souris ou d'appuyer sur une touche. Maintenant, ils ont compris que c'était fait pour être manipulé.

- Si je vais sur Internet, moi, ce n'est pas pour regarder ...

- Mais ça dépend si tu y vas pour faire un exposé, ou pour jouer.

- Mais si tu y vas de ton plein gré, ce n'est pas comme quand tu y vas pour l'école. Tu ne vas pas voir des émissions scientifiques ou je ne sais pas quoi...

- Dès fois à la maison, j'ai des devoirs à faire sur Internet. On peut y aller pour s'amuser comme des fois pour chercher des trucs intéressants. De temps en temps pour les devoirs en classe. Au lieu d'utiliser le dictionnaire, j'utilise Internet.

- Le jeu auquel on joue, la seule chose que cela peut nous apporter, comme c'est un jeu basé sur la stratégie, c'est d’entraîner le cerveau à être logique. Développer notre raisonnement logique. Mais sinon, non, c'est purement de la distraction.

- On utilise des ordinateurs des fois pour nous apprendre des choses, comme utiliser Internet, comment se servir d'une adresse email, des trucs comme ça. Mais moi, je sais déjà tout ça. Alors, je fais comme si je recommençais.


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